Quand les collectivités locales s’en mêlent
Santé et territoires

La santé n’est pas de leur ressort premier… mais il est clair que les collectivités locales occupent de plus en plus le terrain dans ces deux domaines. Et aspirent à renforcer leurs compétences en la matière ! Pression des citoyens oblige.
Le Président de la République a notamment annoncé, le 6 janvier dernier, la création de « réseaux » ou de « coalitions territoriales de santé », impliquant tous les soignants quels que soient leur lieu d’exercice et leur statut, pour assurer « la permanence et l’universalité des soins ». Sur chaque territoire « il s’agit de créer une solidarité collective » pour répondre aux besoins des citoyens et faire face aux difficultés d’accès aux soins, a-t-il évoqué. Ces coalitions devraient être d’autant plus performantes que le Service d’accès aux soins (SAS), qui permet d’organiser via le 15 le lien entre la ville et l’hôpital pour les soins non programmés va être généralisé, a précisé le Chef de l’État.
Pour une gouvernance sanitaire de proximité
Le soin est l’affaire des soignants, mais la santé ? est l’affaire de tous
Or, sur ces questions, les collectivités territoriales revendiquent depuis longtemps la voix au chapitre. Dès 2020, dans le cadre du Ségur, l’Assemblée des communautés de France et France urbaine, dans une contribution commune, prônaient une « gouvernance sanitaire de proximité », bref, une « responsabilité partagée de l’État et des collectivités territoriales sur la politique de santé ». Le « soin est l’affaire des soignants, mais la santé ? est l’affaire de tous », justifient-ils, tout en précisant que si les « villes, intercommunalités, pôles territoriaux, pôles métropolitains » ne bénéficient pas de « compétence obligatoire en matière d’organisation des soins », ils avaient à cœur de s’investir dans ces sujets.
La preuve ? Comme il l’énumère dans leur contribution, c’est de leur propre initiative qu’ils prennent de très nombreuses initiatives dans ce domaine :
- construction et gestion des maisons de santé et de centres de santé, embauche en salariat de médecins » ;
- animation des contrats locaux de santé, d’ateliers santé-ville ou encore de conseils locaux de santé mentale ;
- soutien à l’installation des professionnels de santé et accompagnement des évolutions de leurs métiers en promouvant l’exercice coordonné et la télémédecine ;
- échange au quotidien avec les associations de patients et d’aidants familiaux.
Généraliser les Contrats locaux de santé ?
Des outils clé de la politique locale de santé ?
Ils appellent ainsi – entre autres – à généraliser « les contrats locaux de santé ? dans tous les bassins de vie avec des appuis en ingénierie conséquents (coordination, animation…) » et de renforcer « la participation des élus locaux a? la gouvernance des CPTS et des hôpitaux de proximité ». Les élus locaux ont en effet, à l’heure actuelle, un rôle honorifique et non décisionnel dans les conseils de surveillance des centres hospitaliers.
Villes de France, qui représente les villes de 10 000 a? 100 000 habitants et leurs intercommunalités, partage les mêmes convictions. « Les villes moyennes (…) sont les territoires des hôpitaux de proximité », hôpitaux qui ont permis de « tenir » durant la crise Covid, explique l’association dans sa propre contribution au Ségur de la Santé. « Ce sont aussi ces territoires qui ont l’échelle qui permet agilité, souplesse et construction d’un écosystème local bien souvent efficient », estime-t-elle.
Les Départements et Régions s’impliquent, eux aussi, pour accroître la qualité des soins, lutter contre les inégalités et promouvoir la santé. Soutien aux maisons de santé, aux politiques de prévention, à l’installation des professionnels de santé, à la transition écologique des ESMS… leurs actions sont variées. Le Département des Yvelines a ainsi lancé, en octobre dernier, un ambitieux projet visant au déploiement de 50 dispositifs de téléconsultation médicale et d’un « bus santé » itinérant en 2023.
Très engagée, par exemple, sur le dépistage et la prévention du cancer, en hausse sur son territoire, la Région Sud a « financé de nombreux dispositifs tels que la reconstruction de bâtiments de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, la modernisation d’établissements de santé, des kits pour lutter contre les déserts médicaux, l’augmentation du nombre de professionnels de santé sur son territoire et l’intensification de l’offre de formation paramédicale », a rappelé le Pr Georges Leonetti, PU-PH au sein d’Aix-Marseille Université, à l’occasion de la 2ème édition des Rencontres & Débats FHF Provence-Alpes-Côte d’Azur – Elus Région Sud, organisée le 3 février dernier.
Dans le contexte actuel des déserts médicaux et de grande tension sur l’offre de soin, en ville comme à l’hôpital, il va devenir de plus en plus compliqué de laisser les collectivités locales en dehors du débat. A l’heure où les solutions se construisent territoire par territoire, l’implication des collectivités locales s’impose. SantExpo leur fait une place importante depuis longtemps déjà. Elles sont d’ailleurs totalement parties prenantes de la thématique de la démocratie sanitaire développée dans l’édition 2023.
« Les départements sont en première ligne pour répondre aux attentes des personnes âgées et handicapées »
Jean Deguerry, Président de l’Ain et porte-parole de l’Assemblée des départements de France (ADF), souligne l’importance des départements dans la politique de prise en charge des personnes âgées dépendantes et handicapées, à domicile comme en établissement.
« Les départements jouent un rôle central dans l’organisation de l’offre médico-sociale de leur territoire. L’objectif est de garantir l’accessibilité et la qualité des services médico-sociaux en faveur des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées dépendantes. Les départements sont en première ligne pour répondre aux attentes des personnes âgées et handicapées qui souhaitent avant tout pouvoir continuer à vivre à leur domicile. Ils sont les principaux soutiens des services d’aide et d’accompagnement à domicile. C’est aussi l’échelon départemental qui gère et finance l’Allocation Personnalisée à Domicile et la Prestation de Compensation du Handicap.
Les départements ont également à cœur de garantir une prise en charge de qualité dans les Ehpad. Ils financent ainsi les travaux de modernisation de ces établissements, augmentent les dotations pour faire face à la dépendance croissante des résidents, ou encore favorisent le développement de nouvelles formes d’habitat pour les personnes âgées.
Par ailleurs, les départements mettent en place des politiques visant à renforcer la coordination entre les établissements de soins et les structures médico-sociales notamment pour les Ehpad, afin d’éviter les ruptures de parcours de soins et de permettre une prise en charge des patients adaptée à leur âge ou à leur handicap. Ces politiques se traduisent notamment par la mise en œuvre de programmes de coopération entre les différents établissements et la création de dispositifs de coordination tels que les Dispositifs d’Appui à la Coordination.
Il reste néanmoins des problématiques non résolues, notamment dans le secteur des enfants porteurs de troubles ou de handicap sévères – qui ne relèvent pas de la compétence des départements – qui ne trouvent pas de places en établissements adaptés à leurs besoins. »